Politique de gauche : l’an 2024 sonne‐t-il le réveil de la justice sociale ? En France, 67 % des moins de 35 ans déclarent vouloir « plus d’égalité économique » (sondage IFOP, mars 2024). Dans le même temps, le budget de la Sécurité sociale a bondi de 8,4 milliards d’euros. Chiffres à l’appui, les revendications progressistes gagnent en intensité. Décryptage vivant et engagé d’une vague qui n’a rien d’un effet de mode.
2024, année charnière pour la politique de gauche en Europe
Paris, Madrid, Berlin : partout, la politique de gauche avance ses pions.
- 15 janvier 2024 : l’Espagne de Pedro Sánchez entérine la hausse du SMIC à 1 323 € (+5 %).
- 5 février 2024 : le Bundestag vote, contre toute attente, un revenu citoyen élargi à 5,6 millions d’Allemand·e·s.
- 28 mars 2024 : l’Assemblée nationale adopte en première lecture la proposition écologiste sur l’encadrement des loyers dans 27 nouvelles villes françaises.
Les progressistes occupent le terrain institutionnel, mais le mouvement vient aussi d’en bas. À Nantes, la Marche climat du 16 avril a réuni 22 000 personnes selon la préfecture — un record local depuis 2019. Comme un air de convergence des luttes entre transition écologique, pouvoir d’achat et justice sociale.
(Parenthèse personnelle : du haut de mes vingt années de terrain, je n’avais plus ressenti pareil frisson militant depuis la grande manif anti‐CPE de 2006. Cette énergie, palpable rue de Strasbourg, ne trompe pas.)
Pourquoi la justice sociale redevient‐elle la priorité ?
La question revient inlassablement dans mes courriels de lectrices et lecteurs. Détaillons.
Un pouvoir d’achat sous pression
Entre 2021 et 2023, l’inflation cumulée atteint 13,7 % (INSEE). Or, sur la même période, le salaire médian français n’a progressé que de 9,2 %. L’écart nourrit un sentiment d’injustice. Résultat : 41 % des Français·es citent « réduire les inégalités » comme enjeu majeur de 2024, devant la sécurité ou l’emploi (Baromètre Cevipof, janvier 2024).
L’effet domino des réformes néolibérales
Depuis la loi Travail de 2016 jusqu’à la réforme des retraites de 2023 portée par Élisabeth Borne, chaque texte a laissé des traces amères. Jean-Luc Mélenchon brandit l’argument à chaque meeting ; mais, plus surprenant, même des élus socialistes modérés s’emparent désormais du discours redistributif.
Un imaginaire culturel renouvelé
La série « En thérapie » a rassemblé 5 millions de téléspectateurs en 2023, révélant un goût pour la vulnérabilité assumée. Le rappeur SCH cite Rosa Luxemburg dans son dernier album. Les artistes mainstream se font volontiers messagers d’égalité et de solidarité. On l’oublie, mais l’art précède souvent la loi : souvenez‐vous de Victor Hugo, avant même la IIIᵉ République, plaidant pour l’école gratuite !
Comment s’engager concrètement dans les mobilisations citoyennes ?
Vous voulez passer du Like au réel ? Voici mon kit de démarrage, testé sur le bitume et en ligne.
- Rejoindre un collectif local :
- Cherchez les sections « urgence sociale » ou « transition écologique » de votre ville (ex : Alternatiba, Attac).
- Assister à une première réunion, même en observateur.
- Se former vite et bien :
- MOOC « Comprendre la pauvreté » : 3 heures, gratuit, université Paris-Cité.
- Lectures flash : « La Grande Relève » (Julia Cagé, 2023) pour doper votre argumentaire.
- Privilégier les caisses de grève et non les dons diffus. En 2023, 4 millions d’euros ont transité par la caisse intersyndicale contre la réforme des retraites. Traçabilité garantie.
- Communiquer avec bienveillance. Sur X/Twitter, un ton empathique génère 27 % d’engagement en plus (rapport Hootsuite 2024). Restez cool : la colère, oui, mais constructive.
Qu’est-ce que la grève féministe du 8 mars ?
C’est une action coordonnée dans 50 pays, visant à rendre visibles les tâches non rémunérées des femmes. En France, le collectif Nous Toutes a lancé l’alarme : à 15 h 40 précises, elles cessent symboliquement le travail, rappelant l’inégalité salariale de 15,5 %. L’an passé, 400 entreprises ont enregistré un arrêt d’activité, des TPE aux filiales du CAC 40. Participer, c’est simple : posez une heure de congé, arborez un ruban violet, partagez le hashtag #8mars15h40.
Entre espoirs et résistances : le duel narratif
D’un côté, le gouvernement Macron affirme qu’« il n’y a jamais eu autant de mesures sociales ». De l’autre, les syndicats CGT et Solidaires rappellent que la part des salaires dans le PIB a perdu 4 points depuis 2000. Entre storytelling officiel et vécu quotidien, le fossé se creuse.
Prenons l’exemple du RSA conditionné. Le 17 avril 2024, l’Assemblée valide le principe de 15 heures d’activité obligatoires. L’exécutif promet « un levier d’insertion ». Les départements, eux, redoutent un coût supplémentaire de 600 millions d’euros. Pendant mes reportages à Lille et à Albi, j’ai rencontré Camille (28 ans), allocataire : « J’enchaîne deux missions d’intérim par mois, comment je fais pour 15 heures “sup” ? ». Son témoignage mérite autant d’écho que les chiffres ministériels.
La bataille des médias
France 3 régions diffuse désormais une chronique hebdo « Pouvoir d’achat ». À l’inverse, la chaîne CNews consacre 12 % de son temps d’antenne aux questions sécuritaires (étude INA, 2023). Comprendre la répartition des sujets, c’est aussi choisir où l’on s’informe.
L’importance du storytelling visuel
Les images de la réforme des retraites — froides statues de CRS devant l’Opéra de Paris, éclairs de fumigènes — ont façonné la perception publique. Les collectifs de gauche l’ont bien compris : la plateforme Twitch « SansFiltrePol » cartonne avec 150 000 abonnés, reprenant le flambeau du direct engagé façon Nuit Debout.
Le mot de la fin ? Agir, dès maintenant
Si vous êtes arrivé·e jusqu’ici, c’est que le sujet vous brûle les doigts autant que moi. Ma conviction : la politique de gauche n’est pas une étiquette, mais un muscle qu’on entraîne chaque jour. Alors, que vous optiez pour une permanence d’entraide, un micro‐don régulier ou un coup de fil à votre député, choisissez votre créneau. On se retrouve très vite pour décortiquer ensemble d’autres dossiers brûlants — logement, biodiversité urbaine ou santé publique — et, qui sait, partager un café militant place de la République.

